Wednesday, January 28, 2009

Les funérailles de ma mère

Apparemment, mourir est facile. C’est après que ça se complique. Parce que ce simple geste physique doit être suivi, complété et validé par d’innombrables gestes spirituels, religieux et sociaux.

Ma mère était bouddhiste mahayana, de la secte Terre Pure, disciple de Maître MT de l’une des plus prestigieuses pagodes de Montréal. De son vivant, elle était, sinon sa disciple favorite, du moins l’une des plus influentes parmi ses ouailles. Elle et le Maître avaient tout planifié depuis longtemps : dès le constat du décès, je devais appeler immédiatement Maître MT, qui allait s’occuper de tout, tout, tout. D’ailleurs, elle lui a déjà remis sa photo et un certain montant d'argent pour les prières et les repas végétariens, il y a des années de ça.



Ma mère est décédée le jeudi 1er janvier à midi. À 13 heures, j’appelle la pagode.
- Parler au Maître? Impossible, voyons, il est très occupé!
- Qu’il vienne faire des prières pour votre mère à l’hôpital? Il a des cours à donner et ne sera pas libre avant 18 heures.
- L’hôpital veut transférer votre mère à la morgue à 15 heures pour libérer son lit? C’est bien dommage. Nam Mô A Yi Đà Phât.

La famille se met en mode « réunion stratégique » : 1) mon frère, qui est bouddhiste tibétain, va appeler son Geshe pour demander conseils; 2) mon oncle (le demi-frère de ma mère) et ma tante, qui sont bouddhistes zen soto, vont se rendre à la pagode de Maître MT pour demander s’il y aurait un autre bonze qui pourrait venir faire les prières à sa place; 3) et moi qui suis bouddhiste athée darwiniste, j’irai plaider auprès de l’administration de l’hôpital pour que ma mère ne soit pas déplacée avant l’arrivée du bonze.


Résultats : 1) Geshe-la est à New York pour visiter sa famille, mais il va prendre le premier train pour Montréal et revenir officier pour ma mère. Comme il ne pourra pas être là avant ce soir, il donne des instructions à mon frère pour procéder à certains rites afin d’assurer l’intégrité spirituelle du corps durant le transfert à la morgue. 2) Mon oncle et ma tante reviennent bredouilles : il y a bien un autre bonze, mais il ne peut pas quitter la pagode avant 16 heures. Toutefois, mon oncle devra être présent à la pagode à 15h30 et attendre que le bonze soit prêt pour l’amener à l’hôpital. 3) L’hôpital me donne une heure limite finale : 15h30 et pas une seconde de plus, à cause du changement de quart des préposés.



La famille décide de laisser ma mère partir à la morgue et tout le monde se réunit autour du lit pour lui dire adieu. B-Boy pleure sa grand’mère préférée et moi, j’essaye de calmer ma colère contre le bonze.


(À suivre)

1 comment:

Anonymous said...

Apparemment, mourir est facile. C’est après que ça se complique

Je confirme. Ajouter qu' apres vient le notaire et toute la charogne fiscalle qui vient succer le sang.

Bon courage ma grande.

moi qui suis bouddhiste athée darwiniste
He, he, he, meme avec un mec qui me couperait le bras (manche courte ou manche longues?) tu arriverais a trouver du comique dans le tragique.