Sunday, August 20, 2006

New Blog on the Block

À vrai dire, le blog que je voudrais vous présenter n'est pas vraiment nouveau. C'est un des blogs publiés sous les auspices du quotidien Le Monde. L'auteur, d'après sa bio, est «Maître de conférences à l'Institut des langues et Civilisations Orientales (Inalco) de Paris, docteur en anthropologie (Madagascar, Vietnam)». Je reproduis ci-après deux de ces textes sur le Vietnam. [http://tinyurl.com/fvxx5]

7 juillet 2006

guerre du vietnam: "with God on our side"

My name it is nothing

My age it means less

The country I come from

is called the middle west

I was brought up and taught there

The laws to abide

And the land that I live in has god on its side… (Bob Dylan, With God on our side)


Il y a cette photo incroyable, au Musée des Crimes de Guerre, Guerre_vn2

on ne voit qu’elle en entrant. Le G.I. est immense, il a un treillis dégueulasse, poissé de boue, de sang, de sueurs froides. Il tient quelque chose au bout de son bras tendu. Quelque chose: d’abord c’est un lambeau de tissu, c’est tout déchiré, et puis c’est vide, dedans y’a pas de corps, rien, du vide. Ensuite, il y a une tête qui pend, elle est intacte, presque parfaite. Elle pend les yeux fermés, une mèche de cheveux sur le front. C’est un homme très jeune, un enfant, presque. Sa tête pend au bout d’une chemise en charpie vidée de son torse, peut être qu’il reste ses mains, ça ce n’est pas sûr, on devine, peut-être.

Le G.I. tient ça a bout de bras, il a le visage barbouillé de suie et de boue aussi, on ne voit pas sa figure mais on distingue très bien un rictus très étrange, des dents très blanches, très saines de mâcheur de chewing gum. Est ce qu’il sourit, carnassier, du plaisir d’avoir gagné, réduit à néant l’ennemi viêtcong ou bien il est simplement horrifié par ce qui vient de se commettre et il est en train de perdre la raison en contemplant l’insoutenable? Ou bien encore est-il saisi de ce qu’il pressent, de ce qui commence à s’imposer à lui : qu’il ne sert à rien de tenter de réduire les corps à néant. L’entreprise est trop vaine: le corps n’est rien.

S’acharner sur les corps pour contraindre l’âme: il ne croira plus jamais que cela soit possible.

Et dès lors il n’aura plus aucune raison de penser que Dieu est à ses côtés.


25 juin 2006

un peuple de lecteurs

Coiffeur_lecteurAu Vietnam, tout le monde lit. Tout le temps, partout, de tout. Au marché, dans la rue, dans les bibliothèques, dans les restaurants, sur les trottoirs, sur une moto. Des romans, des journaux, des manuels scolaires, des dictionnaires. Tout le monde: des vieillards dans les parcs, des élèves sur le siège arrière d'une moto, des marchandes, des employés, des travailleurs.Lecteur_2

Quelques viellards peuvent encore vous réciter Océano nox in extenso tout autant que déclamer le Kim van Kieu..

Vieille tradition de lettrés: autrefois, les concours permettaient au moindre paysan d'accéder hauts plus hauts grades du mandarinat civil ou militaire. cette idéal de méritocratie perdure, même si la réussite par l'argent gagne chaque jour un peu plus de reconnaissance...Lecteur_saigon2_1

Il n'y a pratiquement pas d'analphabètes, un record pour un pays émergent..

En 1988, j'avais interrogé Hoàng Xuân Hân, qui avait été un des initiateurs de la campagne d'alphabétisation menée dès 1937 par "l'association pour l'étude de l'alphabet vietnamien", nom imposé par la sûreté coloniale qui craignait que sous couvert d'apprentissage de la lecture, il s'agisse de propagande anti-française. Tout le pays se mit à apprendre à lire, à partir de chansons rimées, avec un bout de craie sur le trottoir, un bout de papier d'emballage, ce qui tombait sous la main, les jeunes apprenant aux vieux, les vieux aux jeunes, les étudiants aux paysans, toute personne alphabétisée chargée d'enseigner aux autres. Enfant_lecteur_3

Le problème de l'analphabétisme fut réglé en très peu de temps. La sûreté n'avait pas tort: le vietminh avait besoin que les gens sachent lire pour diffuser son message dans l'opinion publique.

Hoàng Xuân Huân me disait que le secret de la réussite résidait dans le fait que les vietnamiens n'ont jamais douté du fait que la langue vietnamienne était capable de véhiculer n'importe quel message, y compris scientifique.C'était une évidence pour tous. Lui même élabora d'ailleurs une partie du vocabulaire nécessaire des mathématiques, de la physique et de la chimie. Ses manuels étaient reproduits sur de l'argile dans les maquis, faute de papier. Le désir d'apprendre, la soif de connaissance a toujours été très vif,dans toutes les classes de la population, et le demeure jusqu'à aujourd'hui, même si les jeunes privilégient les manuels d'informatique et la traduction vietnamienne d'Harry Potter, sans compter celles de Tintin, Lucky Luke et les schtroumpf (en vietnamien xi trung). Ca ne les empêche pas de dévorer le célèbre roman des Trois Royaumes...Pict0343

On voit encore des marchandes lire Les Misérables (il y a eu au moins une dizaine de traduction depuis l'époque coloniale tant ce livre eut de succès et Victor Hugo figure dans le panthéon de la secte des caodaistes) ou les trois Mouquetaires, bien que la littérature francophone perde progressivement de son prestige.

Hoàng Xuân Huân est mort depuis queles ques années déjà. Mais quand je m'occupe de questions d'éducation dans les pays francophones du sud, je pense souvent à ce qu'il me disait, que c'est une affaire de conscience collective, de confiance dans sa propre identité culturelle, dans la certitude que toute langue et toute culture ont à apporter leur pierre à l'édifice de l'humanité et que l'occident n'a pas le monopole de la civilisation.Lac_3

et quand je me promène dans Hanoi, Ho chi minh ville, Hué ou Can Tho, je passe mon temps à photographier tous ces gens qui lisent. Un jour, j'en ferai quelque chose, une exposition, ou un livre....

1 comment:

Anonymous said...

merci pour l'intérêt porté à mon blog... le lien que vous donnez n fonctionne pas, ou plus, suite sans doute aux modifications de la plateforme du monde; voici l'adresse qui devrait mieux fonctionner :
http://vietdom.blog.lemonde.fr
à bientôt